La théologie africaine à l’aube d’un nouveau siècle - par André Kabasele Mukenge

Publié le par Fédérations des Églises Africaines de Suisse

logoéérascouleursanstexteIl est difficile, à l’heure actuelle, d’appréhender la situation de la théologie africaine, dans les limites d’une réflexion consacrée à la rencontre entre la Parole de Dieu et le contexte africain contemporain. En effet, la théologie africaine est une réalité variée et parfois fuyante. Comment rendre compte du développement des activités théologiques dans chaque pays ou dans chaque grande aire de l’Afrique, sans être obligé de faire des raccourcis, de schématiser, et finalement de simplifier?

 

Lorsqu’on parcourt les nombreuses publications sur le sujet, il y a lieu d’affirmer d’emblée la diversité des expressions, des courants et des tendances dans la théologie africaine. Les répertoires bibliographiques y consacrés impressionnent et exigent un travail minutieux pour analyse et appréciation. La Revue Africaine de Théologie a publié, depuis 1977, une "Bibliographie sélective" qui, arrêtée à l’année 1985, comptait déjà 8.727 titres. Autrefois, le Bulletin de Théologie Africaine a également publié une "Bibliographie thématique" intéressante. Si je ne prends qu’un domaine particulier, celui de "la lecture africaine de l’Ancien Testament", Knut Holter, bibliste norvégien, a déjà publié un volume de bibliographie sélective commentée comprenant 232 titres (Holter 1996). Signalons également qu’une banque de données sur les études bibliques en Afrique est désormais disponible sur le web. Travail abattu à la Faculté de Théologie de Stellenbosch (Afrique du Sud) sous la direction de H. Bosman, cette banque de données comprend déjà 1.700 titres de livres et articles. (Pour la présentation du projet lire W. R. Kawale 1997:3-4.)

 

Autant dire que la matière est abondante et difficile à maîtriser en un tour de main. Les éditions Karthala à Paris se sont spécialisées dans le domaine, notamment dans leurs collections: "Chrétiens en liberté" et „Questions disputées". La plupart des Instituts et Centres théologiques africains ont leurs revues et collections. Il serait fastidieux de les citer ici.

 

Un autre niveau de difficulté concerne le type de théologie qu’il s’agit d’examiner. Les théologiens latino-américains distinguent trois types de théologie: la théologie professionnelle, la théologie pastorale et la théologie populaire. Pour la théologie africaine, faut-il avant tout parler de la théologie universitaire et de celle qui se pratique dans les Instituts et Centres théologiques ou devra-t-on faire plutôt cas de la théologie qui émerge des communautés ecclésiales? La théologie étant un discours, un logos, faut-il s’en tenir au discours publié, édité, ou prêter également oreille au discours oral, qu’il soit public ou privé, qu’il émane des pasteurs ou du peuple, même celui de la marge?

 

Lors de la 17e Semaine Théologique de Kinshasa consacrée au bilan et aux perspectives de la théologie africaine, Kalonji Ntekesha (1989:97), dans une étude intitulée "Théologie africaine et expérience chrétienne à la base", comprenait la théologie africaine comme un «effort de réflexion et de recherche mené par des Africains (spécialistes ou simples croyants) sur le donné révélé et sur les manifestations de l’accueil par l’homme (africain ou non) à l’auteur de cette révélation ainsi qu’à son message ; cela dans un contexte socio-culturel ouvert à l’universel mais propre à l’Afrique". Et il plaidait pour l’établissement des structures formelles d’écoute de la base par des experts chargés de la systématisation théologique. Ceci rejoignait une idée chère à Ngindu Mushete (1979:69-97) qui avait bien saisi le rôle fondamental des communautés chrétiennes africaines lorsqu’il notait: "c’est à ces communautés, incarnées et enracinées dans la vie de leurs peuples, qu’il incombe au premier chef d’approfondir l’Evangile et d’alimenter par leur vie et leurs questions la réflexion des théologiens". (Voir Ngindu Mushete (1979:97); C. Nyamati (1989:214) invite également à voir les communautés chrétiennes africaines comme de véritables loci pour la théologie africaine.)

 

Lorsqu’on parle de "lectures africaines de la Bible" par exemple, d’aucuns distinguent les lectures populaires des lectures savantes. Mais quelle est la ligne de démarcation entre une lecture populaire et une lecture naïve, voire fondamentaliste? Voilà qui exige une clarification des concepts, des objectifs et des stratégies. D’ores et déjà, il faut inscrire cette quête de lecture africaine de la Bible dans l’horizon plus large de la théologie africaine. Celle-ci est-elle, comme le prétendent certains, à bout de souffle, après seulement quelques décennies de revendication et de turbulences?

Publié dans Théologie

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