QUELS CHEMINS DE LIBERTÉ AUJOURD'HUI ?- Job a vu les puissances qui nous fascinent et qui défient la Création
QUELS CHEMINS DE LIBERTÉ AUJOURD'HUI ?- Job a vu les puissances qui nous fascinent et qui défient la Création - Par christian Moreau, Besançon (France).
Buste africain du dieu Janus - Le dieu aux deux visages-
- Cet article fait suite aux deux précédents sur Job et Béhémot.
Le nom de Béhémot est le pluriel du terme hébreu « Bête »- Je ne pense pas que la Bête s’avance masquée. Cependant, nous ne la voyons pas pour ce qu’Elle est réellement
Sa puissance parfaitement bien décrite dans le Livre de Job nous fascine et nous subjugue, nous y adhérons, nous la vénérons et lui rendons un culte de bonne grâce. Mais alors, ne verrions-nous pas son "vrai" visage ? En écrivant l’article "ne voit pas Béhémot qui veut", je pensais bien à l’analogie qui serait faite suite à l’expulsion des Roms.......
Pour ma part, je ne pense pas qu’il faille aller trop vite en besogne si nous voulons vraiment nous interroger à propos de l’instrumentalisation. J’ai tendance à penser que dans beaucoup de ces phénomènes médiatiques
Chacun joue sa partition, et il n’est en rien question de vérité.
J’avais bien compris que vous (Nelson) n’aviez pas encore à ce moment-là, lu l’article sur Job, mais je vais tout de même réagir à votre message et tâcher de démasquer avec vous certaines "tentacules de Béhémot" comme vous le demandiez dans votre commentaire.
Donc, je ne pense pas que la Bête s’avance masquée.
Très vite en Allemagne, les Juifs ont été ouvertement exclus et réprimés en tant que Juifs (1). Pourtant, ils ne s’opposaient pas au régime d’Hitler ! D’ailleurs, c’est probablement pour cela qu’on ne faisait strictement aucun cas des Juifs à l’étranger; leur sort (2) de bouc émissaire n’avait aucune espèce d’importance aux yeux des autres pays, alors qu’il préfigurait la sombre suite qu’on sait. L’Allemagne a cherché à tout prix à sortir de la très grave crise économique dans laquelle elle était tombée. Hitler a donné du travail et du pain à son peuple.
Je ne suis pas sûr non plus que beaucoup de monde ait lu Mein Kampf (Mon Combat -1925-), y compris parmi les autorités françaises ! Certains l'ont lu et ils ont tout de suite compris les visées d’Hitler car les choses y sont clairement exposées. Encore aujourd’hui il est très fortement déconseillé de lire Mein Kampf, mais toujours est-il qu’Hitler ne s’est jamais caché de ce qu’il allait faire, au contraire. Il a diffusé le programme nazi partout où il a pu, en espérant étendre le modèle et la réussite allemande au monde entier !
Dès 1934 Karl Barth dénonce publiquement en ces termes
« Celui qu’on a salué dès le début – et les Chrétiens n’étaient pas les derniers à le faire - comme le Libérateur et le Sauveur » dans "L’Eglise en péril" les carnets DDB en 2000.
Là non plus, on ne peut pas dire que la ferveur du peuple allemand soit cachée. Le Reich exaltait déjà la gloire à venir du Règne millénaire de la Nation Allemande lors de ses fameuses cérémonies comme la fête de la moisson à Bückeburg en 1934. Ces célébrations avaient pour officiant Hitler, et le peuple tout entier vibrait et communiait à son libérateur et à son sauveur (3). Tout le monde sait cela.
La Bête n’a pas besoin de se cacher, mais pour autant, nous ne la voyons pas pour ce qu’Elle est, Nous sommes aveuglés et subjugués, et nous L’adorons ostensiblement.
Par contre nous ne pouvons pas ne pas La voir réellement si nous rendons un culte au Dieu Biblique et à Jésus-Christ car c’est Elle qui s’attaque à la Création en l’emmenant sur les chemins sans issue de l’aliénation et de l’esclavage.
Nous vivons une grande difficulté aujourd’hui pour ce qui concerne par exemple les médias. Nous croyons sincèrement que tous les faits d’actualité qui nous sont servis quotidiennement par les médias, surtout s’ils sont relayés par tous les médias du monde entier et pourquoi pas par le Pape en personne, représentent des enjeux majeurs de notre vie en société, ou de notre vie tout court.
Toutes ces informations sont plus que « notre pain quotidien » ; elles sont devenues le « catéchisme nouveau » qui nous est récité à l’oreille tous les jours. A ce propos, j’ai bien aimé la remarque d’un jeune Amish qui s’était prêté à un interview de la télévision, « Mais, vous savez, on peut très bien vivre sans la télévision » leur a-t-il dit. En effet, rendez-vous compte, les Amish vivent sans la télévision, aujourd’hui au XXIème siècle !
Nous ne voyons pas que c’est "nous" qui sommes instrumentalisés par les médias
C’est nous qui voyons une dimension surhumaine à tous ces faits d’actualité, puisqu’à l’évidence ils concernent tout d’un coup par la « grâce des médias » des millions et des millions de gens sur la planète entière. - Une petite anecdote : Je vis dans le Doubs et la Haute Saône est proche. La Haute -Saône ne compte pratiquement pas d’immigrés d’origine maghrébine, et pourtant c’est là que le parti xénophobe français enregistre un de ses meilleurs scores : « Vu à la télé » ! - Une autre anecdote à pleurer : Il y a vraiment des gens qui pensent que grâce aux portables et à internet l’Iran et pourquoi pas la Chine vont pouvoir enfin se libérer de la dictature !
C’est ce qu’a voulu montrer J. Ellul : les moyens médiatiques nous aliènent en tant que tels, en tant qu’ils sont parfaitement bien intégrés, adéquats et inter dépendants, à tout ce qui contribue au bon fonctionnement de notre société technique.
Nous sommes depuis quelques décennies entrés dans un autre type de société, dont la colonne vertébrale est la technique. Nous pensons généralement qu’elle nous libère, mais c’est justement tout le contraire !
C’est aussi pour cela que J. Ellul a élaboré toute son œuvre autour de la Liberté : Liberté de Dieu, Liberté de l’homme au cœur de cette Création voulue par Dieu. Liberté de l’homme pour laquelle Dieu lui-même intervient que ce soit pour libérer les Hébreux de l’Oppresseur ou que ce soit pour nous libérer par Jésus-Christ et aujourd’hui même par l’amour qu’Il nous porte. Mais au fond, cela nous importe-t-il vraiment ? Souhaitons-nous vraiment faire le choix de la liberté ?
-Une dernière anecdote qui ne manque pas de saveur ; Je savais que J. Ellul n’avait pas que des amis, mais figurez-vous qu’aux dires de plus en plus de théologiens, on dénie aujourd’hui à J. Ellul le titre de théologien. Ca c’est un scoop ! D’autres, encore plus nombreux, n’ont pas attendu sa mort pour empêcher la parution de son œuvre ou pour la discréditer ! (voir ci-après un "authentique" récit autobiographique)
Pour moi c’est un signe qui ne trompe pas : Jacques Ellul a vu juste, sa critique touche à la racine du problème et bien sûr, elle dérange et elle déstabilise ! Je crois savoir qu’il était malicieux, aussi me hasarderai-je à une interprétation posthume ! Je crois qu’il aurait été fier et triste de cette affligeante péripétie. Fier d’avoir été traité comme cela, car c’est ainsi qu’on a traité tous les prophètes ! Triste d’avoir été « L’homme qui avait presque tout prévu » (de Jean-Luc Porquet -Le cherche midi- 2003) car c’est le signe indéniable qu’il avait bien compris quels sont tous les ressorts qui actionnent notre existence individuelle et collective et qui nous ont conduits là où nous en sommes aujourd’hui !
Si J. Ellul nous a montré aussi clairement la profonde aliénation qui découle de notre monde technique, aliénation contre laquelle il n’a cessé de se battre toute sa vie, aussi bien par ses actes que par son œuvre, c’est uniquement pour que nous nous risquions à emprunter les "chemins de la liberté" (4).
Jacques Ellul a toujours refusé d’être un Maître, encore moins un Gourou. Ceux qui ne veulent pas de lui comme théologien sont libres, y compris de refuser de son vivant qu’il enseigne (gratuitement car prenant sa retraite) en faculté de théologie protestante ! Mais si j’étais à la place de ceux qui le discréditent, je craindrais de m’entendre dire un jour :
« En vérité, je vous le déclare : Je ne vous connais pas ».
Aujourd’hui, l’éviction de cette pensée ( et celle de K. Barth avec ? ) de critique globale sur notre société, "à la lumière de la Bible", ne se fait plus comme dans les années 30, voire les années 60 ! L’éviction se fait de façon plus feutrée, subtile, pernicieuse et souvent cynique, mais surtout, elle est parfaitement efficace et parfaitement propre !
Il suffit de lire J. Ellul pour en avoir la démonstration et pour comprendre les nouvelles modalités de propagande, d’endoctrinement et d’oppression qui ont cours aujourd’hui.
Ah ! Ce Béhémot quel Maître en communication ! Il sait toujours aussi bien comment nous enfumer et nous empêcher de voir la réalité en face.
Job lui, a vu la réalité en face, Il a vu ce qui aliène et menace la Création. Ce choc l’a fait sortir de son terrible enfermement, de son angoisse et de ses peurs. Il a résisté jusqu’au bout, il n’a rien cédé, jusqu’à temps que s’ouvrent les chemins de Liberté.
Christian Moreau Besançon (France)
(1) Les lois de Nuremberg « sur la protection du sang allemand » datent de septembre 1935
(2) « Les Aryens ont été les fondateurs d’une humanité supérieure » « L’espèce la plus dangereuse est la juiverie ». Mein Kampf 1925
(3) « D’elle (de la jeunesse) sortira l’homme nouveau, mesure et centre du monde, l’homme créateur, l’homme-Dieu » cité dans "Hitler m’a dit" 1940.
(4) « Les combats de la Liberté » J. Ellul –Le Centurion / Labor et Fides- 1984
Comment ignorer la parole d’un vrai précurseur ?
« Pendant les années de guerre j’ai mûri cette piste de réflexion, en reprenant, armaturant des compréhensions spécifiques de Charbonneau, j’ai donc écrit entre 1947-1950 mon livre, La Technique ou l’Enjeu du siècle, qui était depuis Mumford, la première étude complète du phénomène. Je raconterai à nouveau, pour montrer à quel point on était loin de ces préoccupations dans les milieux intellectuels français à cette époque, que ce livre terminé en 1950 a été porté chez un grand éditeur qui m’a rendu le texte deux jours plus tard, me disant que « la technique n’est pas un bon sujet. D’abord, qu’est-ce que c’est ? » Je l’ai porté chez un autre grand éditeur, qui lui, l’a gardé deux mois et me l’a rendu en disant qu’il n’y aurait pas un seul lecteur pour ce livre. Je l’ai porté chez un troisième éditeur qui s’y est intéressé ; malheureusement un des pontifes de la Sorbonne, qui publiait chez cet éditeur, a bloqué deux ans sa parution en disant que c’était lui qui avait retenu ce titre (je présentais mon livre avec pour titre : « La société technicienne), qu’il avait priorité, et qu’il prétendait faire paraître son livre avant le mien. Il n’a jamais écrit ce fameux livre ! … » article de Jacques Ellul paru sous le titre "les précurseurs" dans Foi et Vie n° 3-4 juillet 1988.
La parution du livre en 1954 a tout de suite été épuisée, et la réédition bloquée, si bien que vingt ans après l’écriture de ce livre, j’ai personnellement participé, grâce aux originaux qu’il avait confiés à un de ses amis proches, à une édition pirate de la « technique ou l’enjeu du siècle »… c’est dire si cette parole et cette pensée étaient "bienvenues" !
Qui se soucie des deux livres qu’il a écrits et qui ne sont toujours pas parus ?
J Ellul a annoncé plusieurs fois et même publiquement la parution de L’« Ethique de la Sainteté », j’ai eu beau chercher depuis plus de 20 ans, personne ne peut me dire s’il paraîtra un jour, « Technique et Théologie » aura sûrement le même sort, c’est dire si cette parole et cette pensée sont "bienvenues" !
Deux enseignants de deux facultés de théologie protestante différentes m’ont demandé récemment : « Vous êtes bien sûr que J. Ellul est un théologien ? ». Quel aveu !
Quelques précisions
La technique ou l'enjeu du siècle est terminé en 1950 et paraît en anglais en 1964 grâce à Aldous Huxley. Son succès a tout de suite été très important. Il est constamment réédité en collection de poche aux Etats-Unis. Il figure au programme des lectures obligées de la plupart des universités ! Il faudra attendre 1990 pour que ce livre soit réédité en français, après une édition confidentielle et une édition pirate.
L'éthique de la liberté comporte trois parties. Les deux premières ont paru en anglais en 1968 et en français en 1973. L'éthique de la liberté en un seul gros volume paraît aux Etats-Unis en 1974 ! Le troisième tome Les Combats de la Liberté écrit dès 1966 paraît en français pour la première fois en 1984.
Tiré du livre d'entretiens avec Madeleine Garrigou-Lagrange (1981) : « J'ai aussi cherché dans l'Ancien Testament les fondements d'une éthique, ce qui m'a conduit progressivement à en construire une. D'abord une introduction à l'éthique intitulée.
Le vouloir et le faire, puis L'éthique de la liberté, ensuite L'éthique de la sainteté… »